"Or, pour le numérique, il n'y a pas d'art, ni même de formes sensibles propres à un matériau ou à un instrument. Le numérique opère non pas sur du "n'importe quoi", mais sur du "moins que rien"."

Edmond Couchot et Norbert Hilliaire, L'art numérique, Paris, Flammarion, 2003

28 novembre 2012

Baker (Christopher), Murmur Study, 2009


Fiche technique de l'œuvre:
Support: Installation
Production: Christopher Baker
Packaging: aucun
Nombre d'exemplaire: un.
Présence de date: 2008
Présence de signature: non.
Visibilité sur internet: http://vimeo.com/4464887
Condition de diffusion et d'exposition: 30 imprimantes posées sur un mur et relié à un ordinateur grâce à des concentrateurs USB 2.0 branchés en série.
Langue d'origine: Anglais


Présentation:
       Depuis sa création, l’usage d’internet a considérablement évolué : occupant d’abord une fonction exclusivement militaire, elle s’est par la suite convertie en fonction scientifique et récréative. Modifiant totalement notre façon de voir le monde, le temps et l'espace, elle nous permet à présent de communiquer avec une ou plusieurs personnes, quelque soit l’heure ou le lieu.
       Les bouleversements des moyens de communication n'ont jamais laissé de marbre les contemporains et, à plus forte raison, les intellectuels. Ainsi, en 1932, Bertholt Brecht souligne dans son essai "La Radio comme un appareil de communication" une idée selon laquelle les télécommunications peuvent devenir un médium artistique.
       Bien plus tard, en 1993, Paul Virilio (urbaniste et essayiste français) parlera quant à lui de l’arrivée du virtuel comme l’apparition d’une nouvelle ère : l’ère de la logique paradoxale. Je cite :"Ce noveau type d'images donne la priorité à la vitesse sur la race humaine, au virtuel sur le réel, et transforme notre notion de la réalité en quelque chose de donné à la construction." (Citation de Virilio reprise par Eduardo Kac "Telepresence Art" (1993), dans Art and Electronic Media, p.236)
       Pour Paul Virilio, la vitesse du langage des images dénature les facultés d’analyse et les rapports humains. Cette vitesse technologique désormais supérieure au temps humain mène tout droit à une autodestruction politique, sociale et peut-être physique de l’homme.
       Mediums artistiques pour les uns, sources de craintes et d'inquiétudes pour les autres,  les moyens de communication virtuels sont traversés par ce paradoxe continu. Cette tension a particulièrement intéressé Christopher Baker, notamment à travers son installation "Murmur Study" que je vais à présent vous présenter.

1 ) Présentation de l’artiste et de l’œuvre

Ma problématique est donc la suivante : Comment l'artiste s'empare du thème de la communication virtuelle ? De quelle façon l'œuvre de Christopher Baker interpelle le spectateur
       Murmur Study (ou l’étude des murmures) est une œuvre conceptuelle de l’artiste Christopher Baker  qui a travaillé en collaboration avec Márton András Juhász et Budapest Kitchen. L’installation a été présentée pour la première fois au Festival Spark 2009 et elle a par la suite reçu plusieurs distinctions internationales dans des festivals, galeries et musées.
       En plus d’être artiste au Kitchen Budapest (un laboratoire d’expérimentation des arts médiatiques situé en Hongrie) il faut également noter que Christopher Baker a auparavant travaillé dans le domaine scientifique et plus précisément dans le développement des interfaces cerveau-ordinateur à l’Université du Minnesota.
       Ses connaissances  scientifiques lui ont permis d’exploiter le langage de programmation Java afin de  mettre au point un logiciel de contrôle permettant de faire fonctionner plusieurs imprimantes à l’aide d’un seul ordinateur, mais aussi de les connecter directement à Internet. L’installation se compose de 30 imprimantes thermiques Epson TM-T20 qui sont reliées chacune à des concentrateurs USB 2.0 branchés en série. A l’aide du logiciel Murmur Study qui surveille en temps réel les mises-à-jour des internautes contenues sur les messageries de micro-blogging, les résultats des mots-clés auparavant définis par l’artiste sont imprimés de manière quasi continuelle sur du papier thermique, créant ainsi un projet d’art in progress.
Murmur Study ressemble à une version sophistiquée de l'installation News, crée en 1969 par Hans Haacke. 
 
Elle se composait d’un téléscripteur qui recevait et imprimait les nouvelles locales, nationales et internationales en temps réel. Il s’agissait d’un moyen de critiquer le côté éphémère des "dernières nouvelles" et l’impact dû au défilement incessant de l’actualité et donc de démocratiser la consommation et le partage de médias.

2) Les données numériques : Une persistance insignifiante
       Avec cette installation, Christopher Baker interroge une certaine futilité de l'époque en sélectionnant des messages émotionnels, le plus souvent sous forme d’onomatopées qui se succèdent. Il faut dire qu’avec l’avènement des réseaux sociaux, le problème des blogs et leurs "pages" qui ne sont plus alimentées au bout de 10 jours fautes d’événements personnels est en partie résolu. En tenant compte d’une limitation de 140 caractères, Twitter nous propose de parler de soi à travers des mots. Plus simple à alimenter quotidiennement et enclin à accueillir de la micro-information, il n’est pourtant pas rare que l’on se demande ce que l’on peut dire si l’on a rien à dire. C’est ainsi que des millions de personnes postent des messages insignifiants qui sont diffusés seconde par seconde sur la toile. Aussi bien pour sa commodité que par son contenu futile, Twitter est devenu un symbole de simplicité qui illustre parfaitement le flux d’informations et d’émotions continues impossibles à suivre. Néanmoins, chacun prend  plaisir à les lire...
       Le contraste ironique qui existe entre le vide de signification de ces messages et leur rémanence est parfaitement représentée dans cette installation : ces pensées simplistes sont réinscrites dans l’espace physique, s’accumulent sur le sol et sombrent finalement dans l’oubli.  Il s’agit d’une manière pour l’artiste de nous rappeler qu’à l’inverse des conversations en dehors d'Internet, ces pensées insignifiantes sont accumulées, archivées et indexées numériquement par des sociétés. Mais il nous invite également à réfléchir sur notre façon de "penser fugitivement et émotionnellement" sur Internet.
Comme artiste travaillant sur le thème de la communication virtuelle, je vous propose Markus Kison et son œuvre Pulse datant de 2008. 


Il s’agit d’un "cœur" qui bat au mouvement des billets publiés sur la plateforme blogger. Il nous permet de visualiser en temps réel les humeurs des rédacteurs. Celles-ci sont analysées et comparées à une liste de synonymes d’émotions, puis ces données sont retranscrites physiquement par la métamorphose de ce cœur.
Breaking, une performance d’Eli Commins :




      
       
Toute la matière textuelle de la performance raconte un événement de l’actualité et provient de témoignages réels postés par des usagers de Twitter. Les spectateurs sont confrontés aux voix de ces témoins ou acteurs d’un événement. Breaking permet de donner forme à un récit commun qui se tisse à partir d’une multiplicité de points de vue et nous place dans une position nouvelle face aux informations que nous recevons à travers le monde grâce à Internet. 
     Pour en revenir à Murmur study, il faut savoir que l'impression fonctionne à une vitesse limitée pour économiser du papier.  A la fin de chaque démonstration, les piles de papier qui en résultent sont recyclés ou réutilisés lors de futures expositions.

3) La présence physique : une interrogation réel/virtuel
       Le travail de Christopher Baker est souvent spécifique au site : l'architecture et le lieu sont en effet des considérations importantes dans ses œuvres. Pour cet artiste, l’art qui s’engage dans le monde numérique tend, en général, vers des expériences immatérielles pour le spectateur, c’est pour cette raison qu’il considère la présence physique de cette sculpture monumentale comme l’élément qui fait la force de son installation. Voici une citation de l’artiste à ce sujet…
       "Malgré une familiarité croissante des outils numériques, les objets physiques permettent encore de trouver écho avec le corps du spectateur d'une manière sensuelle, ce qui n’est généralement pas le cas avec des expériences lumineuses et virtuelles. Pour moi, le physique créé un pont important entre mes idées et le spectateur. Cela requiert beaucoup plus de travail pour finalement obtenir le même résultat, mais ces liens tissés sont ainsi purement numériques ou virtuels."
Trouver des interactions entre l'architecture, l'espace, le lieu et les données numériques est pour lui un moyen de produire un mélange riche. Je poursuis :
"Twitter signale qu'il y a, en moyenne, 200 millions de tweets par jour […]toutes les données numériques ont une base physique. Les données numériques ont besoin d'énergie, d'espace et de ressources.."
J’ai sélectionné cette citation que je trouvais intéressante car l’artiste nous parle de ces fragments de chiffres importants qui lui permettent d’en faire l’expérience sur le plan physique, cela l’aide à transformer notre réalité numérique en une démarche plus réfléchie. Mumur study nous oblige à prendre conscience qu’une partie de notre identité publique affichée sur ​​une base quotidienne par l'intermédiaire des réseaux sociaux pose des problèmes de confidentialité des données liée au respect de la vie privée.
       Nous en venons donc à nous demander pourquoi les gens tiennent tant à partager leur vie privée sur le web.  [diap] Dès 1984, Roy Ascott (artiste et théoricien anglais) s’interroge sur ce phénomène et nous raconte, je cite : "Se connecter au réseau, partager des échanges d’idées, propositions, visions et des potins est quelque chose d’exaltant, en fait, ceci devient totalement irrésistible et addictif" (Roy Ascott, Telematic Embrace: Visionary Theories of Art, Technology, and Consciousness, 1984, p. 231)
Je vous propose également deux œuvres qui traitent du sujet de la diffusion publique de l’identité sur Internet. Tout d’abord Listening Post par Mark Hansen et Ben Rubin (2002) :

     
Les artistes récupèrent des fragments de texte à partir des sites de chat et forums publics. Puis ces textes sont ensuite lus par un synthétiseur vocal et affichés simultanément sur ​​une grille suspendue où sont disposés plus de deux cents petits écrans électroniques.
Et enfin, Jens Wunderling et son installation dans l’espace publique nommée Default To Public - Tweetscreen (2008)  : Grâce à un système de géolocalisation des comptes, l’artiste récupère un tweet puis le projette dans l'espace public proche de l’auteur du message (vitrine, mur d'immeuble, panneau d'affichage) Dès qu’un nouveau message est affiché, une photo est prise automatiquement et envoyée à son auteur afin qu'il ou elle soit au courant de la "publicalisation" de son message. Le spectateur prend donc ainsi conscience de son auto-exposition sur le web à travers le monde physique.


       En conclusion, l’œuvre de Christopher Baker utilise un procédé très simple mais nous divulgue des messages clairs et explicites. A travers cette création d'une manifestation physique qui nous donne à voir l'accumulation des pensées personnelles accessibles  grâce aux réseaux sociaux et micro-blogging, l’artiste nous interroge sur notre utilisation des moyens de communications humains par une interaction entre le réel et le virtuel.


Vallet Leslie, 2012-2013.

27 novembre 2012

Rios (Miguel Angel), Crudo, 2007



Fiche technique de l’œuvre:
Titre: Crudo
Direction: Miguel Angel Rios
Support: vidéo
Durée: 3’33
Année: 2007
Production: Colonia Doctoresse Mexico, D.F.
Visibilité sur Internet: www.Youtube.com 

Miguel Angel Rios
Naturelles Calchaquies Vallées en Argentine Miguel Rios Ange il a couru à New York dans les années 70 en raison de l'instabilité politique dans son pays, mais était au Mexique qui se sont installés et où il a également studio. Cet artiste effectue un travail sur différents supports tels que le dessin, peinture à l'huile et collages de papier est la vidéo. Dans son travail, il est très influencé par la culture mexicaine et son chemin de vie sociale.
L'ouvrage présent un son de la vidéo en fait l'homme blanc vêtue d'une traditionnelle danse Argentine le "Malambo" avec des morceaux de viande accrochés par les mains d'une danseuse fil, utilisé pour frapper le sol. La chorégraphie se fait par robinet dansant et frappant le bœuf haché. L'action se déroule sur un fond noir apparaît où un groupe de chiens enragés qui aboie et qui pourraient interférer avec la performance de la danseuse, créant ainsi le récit. Jusqu'à ce que vous atteigniez un point où l'un des chiens a attaqué le danseur qui tente sans cesse de danser!
Le son de cette vidéo est enregistré directement à l'action sans être modifiées par ordinateur. La chorégraphie du danseur crée le son de la vidéo qui va augmenter à mesure que le niveau de performance.
Lorsque les chiens semblent également changer le rythme effréné qui produit un son musical presque depuis le début a été d'augmenter jusqu'à un point culminant de la vidéo, puis de nouveau à diminuer le rythme jusqu'à la fin de la vidéo.
Le ballet sera filmé à partir de plusieurs points de vue, en utilisant les points de vue du caractère, le danseur est également utilisé comme du point de vue de donner plus de chiens proximité travailleront à partir du point de vue de l'observateur.
L'artiste crée une image, très propre et lumineuse et parfait. Utiliser la fonction Contraste stricte le fond sombre et le personnage vêtu de blanc attire l'attention sur l'action principale.
L'artiste conceptuel aborde le thème du conflit.
C'est avec cette métaphore que l'artiste veut aborder la question des conflits et de difficultés. Il utilise la confrontation (lutte) l'homme en blanc qui symbolise un individu puissant dans la société. Les chiens affamés représenter la population tente de survivre à tout prix. Il crée cette métaphore pour parler de sa propre expérience en tant que citoyen d'un pays avec les niveaux élevés de criminalité tels que le Mexique et l'Argentine qu'il connaît bien, il vit et travaille.
Ballet avec un taux d'augmentation des bouchons de bœuf haché accélère la tension entre la danseuse et les chiens affamés. Créez le spectateur l'intention de l'incapacité à réagir pour empêcher les chiens d'attaquer le danseur et continuer à faire le spectacle. L'artiste veut montrer au spectateur qu'il vit dans une société criminelle, mettant en évidence l'impossibilité de changer cette situation. Ici, le rôle du citoyen est le rôle du spectateur qui regarde la vidéo sans le pouvoir de changer.
L'artiste tient à souligner, face aux problèmes sociaux qui montrent la fragilité de la condition humaine où l'on tue un autre être humain sans remords. L'artiste se souciait de ces questions, dit que son travail exprime les jours nous vivons les uns avec les autres; «Au Mexique difficile de ne pas 5 minutes de marche seul dans les rues"
Cette très propre et beau clair de voir qu'il s'opposait le message et crée actitude agressive difficile à voir, ce contraste est caractéristique de l'œuvre de cet artiste.


Suzi Figueira (2012-2013)



24 novembre 2012

Shaw (Jeffrey), EVE, 1993

Jeffrey Shaw est né à Melbourne en Australie en 1944. Il est considéré comme l'un des plus grands chercheurs dans le domaine du cinéma numérique multimédia. Il a étudié l'architecture et l'histoire de l'art à Melbourne, puis la sculpture à Londres. Depuis 1991 il est directeur d'un institut des arts visuels de Karlsruhe. Parmi ses oeuvres faisant référence on peut citer The Legible City (1989), The Virtual Museum (1991). Désormais il vit et travaille à Hong Kong.


EVE est une installation cinématographique interactive. C'est une nouvelle forme de visualisation interactive. Le spectateur est en immersion totale. C'est un appareil de réalité virtuelle. Dans le centre d'un grand dôme gonflable de 12m de diamètre, deux projecteurs vidéo sont montés sur un dispositif d'inclinaison motorisée (comme un bras robotisé, cf. la photo ci-dessus) qui peut déplacer l'image projetée n'importe où sur la surface intérieure du dôme. Les deux projecteurs vidéo présentent une paire stéréo d'images - les spectateurs portant des lunettes peuvent voir les images projetées en trois dimensions.


Le visiteur porte un casque avec un dispositif attaché qui identifie la position et l'angle de sa tête. Cela contrôle le positionnement de projecteurs vidéo pour que l'image projetée suive toujours la direction du regard fixe du visionneur. De cette façon il peut se déplacer, et le cadre avec la vidéo à l'intérieur fait surface dans le dôme et explore en mode interactif les scénographies virtuelles créées par ordinateur qui sont présentées là. Un levier de commande permet aussi de contrôler le mouvement dans l'espace virtuel environnant. Si la fresque filmique est virtuellement présente sur l'intégralité de la surface du dôme, seule la zone vers laquelle se focalise le spectateur se dévoile visuellement et auditivement.

Avec le procédé de cinéma interactif EVE, les spectateurs choisissent ce qu'ils veulent voir d'un film dans lequel ils sont immergés. À la fois cadreur et monteur de chaque projection, aucun des spectateurs ne voit le même film. La sensation obtenue rappelle la découverte à la torche des peintures de Lascaux, à ceci près que les images bougent. Les oeuvres créées pour le EVE sont entre autre Si Poteris Narrare de Jean-Michel Bruyère (2002) et Perm de Ulf Langheinrich (2003). C'est ce que Jeffrey Shaw a désigné comme "l'émergence d'une multi temporalité dans laquelle les actants font l'expérience des conséquences de leurs propres actions, de toutes celles qui les ont précédées, mais aussi de leurs transmutations, réécritures, réincarnations".

Ici, l'artiste est effacé, c'est un dispositif où d'autres vont s'inscrire, le public en général. On pourrait dire que l'artiste devient créateur de contextes plutôt que de contenus. La position du spectateur n'est plus la même non plus, il devient un élément et un matériau de l'oeuvre. Pour qu'il y ait interactivité, il faut que l'oeuvre repose sur un programme informatique. L'interactivité s'inscrit dans la suite logique de la nature de l'oeuvre numérique. L'oeuvre numérique est un objet manipulable. L'oeuvre interactive est un objet numérique manipulable en temps réel par quelqu'un ou quelque chose d'autre que son créateur.

Comme référence, j'ai choisi de vous montrer Interactive Plant Growing de Christa Sommerer et Laurent Mignonneau en 1992. C'est aussi une oeuvre multimédia interactive. Dans cette installation, les visiteurs peuvent interagir avec des plantes artificielles. En s'approchant ou en touchant de vraies plantes, le visiteur peut initialiser et contrôler la pousse des plantes de synthèse projetées sur un grand écran.


Ma seconde référence est de Dick Groeneveld, The Narrative Landscape de 1985 (il a d'ailleurs travaillé avec Jeffrey Shaw). Les spectateurs sont debout sur un balcon où un joystick leur permet de prendre n'importe quelle direction latérale sur la surface de ses images et de faire un zoom sur une partie choisie d'une image. Aux extrémités des images il se produit une transition numérique dune image à une autre. 


Laurine VALLON (2012-2013)




23 novembre 2012

Schöffer (Nicolas), LUMINO, 1968


Oeuvre : LUMINO.
Artiste : Nicolas Schöffer.
Année de création : 1968.
Support : Vidéo, sur un moniteur (écran), fabriqué par PHILIPS France.
Médiums : Moteurs, projecteurs revêtus de métal peint en noir, écran en plexiglas.
Dimensions : Hauteur -> 23.5 cm. Largeur -> 26 cm. Profondeur -> 21.5 cm.


Présentation de l'artiste.

Nicolas Schöffer est un sculpteur et plasticien français d'origine hongroise. Il naît à Kalocsa, en Hongrie en 1912, et meurt à Paris en 1992. Il est l'un des principaux acteurs de l'art cinétique, mais surtout de l'art cybernétique, appelé aujourd'hui Art interactif.

Nicolas Schöffer.

D'abord peintre, puis sculpteur, urbaniste, architecte, théoricien de l'art, il est avant tout un chercheur curieux de nouvelles technologies. Il s'intéresse donc aux techniques de son temps, permettant de constituer ses oeuvres les plus connues, qui sont aussi les premières du genre "numérique" ou "électronique".

Pour Schöffer, la cybernétique, élément essentiel de son oeuvre, est "la prise de conscience du processus vital qui maintient en équilibre l'ensemble des phénomènes".

Dès 1948, avec le spatiodynamisme, Schöffer exploitera le principe de l'intéraction, selon lui, "l'intégration constructive et dynamique de l'espace dans l'oeuvre plastique". Ses recherches le mèneront, dans les années 1960, à produire des sculptures intégrant des travaux sur l'espace, la lumière et le temps, comme la série Lux (1957), jusqu'au fameux Chronodynamisme dans les années 1970, en passant par Lumino, créé en 1968.

L'architecture et l'urbanisme lui permettent de donner naissance à de l'art total, une ville cybernétique.
On note également deux de ses oeuvres, qui opèrent dans un processus similaire : la Tour Cybernétique (tour mesurant 52 mètres de haut), et le Mur Lumière (mesurant 80 mètres de long). Ces sculptures numériques sont exposées dans la ville de Liège, en Belgique.


Le Mur Lumière (à gauche), et la Tour Cybernétique (sur la droite),
à Liège.

Présentation et analyse de l'oeuvre.

Couleurs, lumière et mouvement.
Le Lumino, né de l'imagination de Schöffer, est le symbole de ces trois éléments. De son Mur Lumière, esthétique et créateur d'ambiance, Schöffer a voulu faire un objet de rêve ayant partout sa place.


Lumino, N. Schöffer - 1968.
(Lumino 1968, Photo courtesy Galerie 47.)
Lumino, N. Schöffer - 1968
Deux disques en rotation fonctionnant à l'aide de moteurs et une source lumineuse, projettent sur un écran en plexiglas des formes et variations lumineuses que beaucoup pourraient qualifier "d'hypnotiques". Les couleurs qui subissent les variations au même titre que ces formes s'intègrent avec subtilité et dynamisme dans cette interaction cinétique.
Une interaction que l'oeuvre entretient certainement avec le spectateur. Le moniteur arrive à recréer cette ambiance psychique du rêve. Tout est calme, les formes se baladent, se déforment, les couleurs se voilent, mais aussi se dévoilent, comme actrices de bonne humeur, de bien-être et d'apaisement.

Lumino se regarde presque comme pourrait s'écouter une musique, voire que des notes, résonnant en écho, ou saccadées par les motifs cinétiques, et laisserait donc place à l'interaction et la relation qu'entretient le spectateur à ces images projetées. Des images colorées, aux formes organiques, parfois aléatoires...

Extrait d'une vidéo, montrant les images produites par Lumino.
Lien YouTubeLumino, 1968 - Nicolas Schöffer.

C'est sans doute, l'oeuvre d'art qui a révolutionné la notion de multiple. A la fin des années 1960, ayant collaboré avec PHILIPS France, pour des oeuvres motorisées comme CYSP (1956), Schöffer réunit pour la première fois dans l'histoire de l'art, les capacités techniques et productives d'un grand groupe industriel et le génie créatif de l'artiste.
Il détient à ce moment une occasion unique de part sa position respectée sur le marché de l'art dans une époque favorable aux bouleversements intellectuels, et de ses fonction de "directeur artistique", de mettre en pratique à l'échelle industrielle ce qui lui tient à coeur, c'est-à-dire mettre l'art au service de l'homme.

Le projet de fabrication du Lumino débute alors et les ingénieurs de PHILIPS construisent, d'après les maquettes et les recherches de l'auteur, une curieuse petite boîte en forme de télévision miniature.

Le moniteur fabriqué par PHILIPS, servant de
base à l'oeuvre de Schöffer.
Pour la première fois, un artiste a voulu s'associer à une grande entreprise, c'est aussi la première fois qu'une oeuvre à été conçue industriellement. En demandant à PHILIPS de produire le Lumino, Schöffer a voulu faire pénétrer un plus grand nombre de personnes dans son univers cybernétique.
Ce sculpteur de lumière, ce cybernéticien reconnu dans le monde, a créé une oeuvre agissant sur la sensibilité artistique, sur le comportement psychologique, voire physiologique du spectateur ; en effet, avec le Lumino l'artiste nous offre un spectacle sans cesse renouvelé, en continuité dans le temps, et pour chacun, unique.
Cette synthèse de la couleur, de la lumière et du mouvement est le symbole d'une nouvelle interaction, voire une réconciliation entre l'homme et l'art.
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Cet art interactif est désormais présent dans l'art contemporain. C'est ce qu'a voulu montrer le groupe de designers Architects Of Air, en créant les structures Luminarium, en 2006.
Luminarium est un ensemble de structures éphémères gonflables, pouvant accueillir un public à l'intérieur. Ces espaces font office de villes interactives, et comme son nom l'indique, les structures sont visibles de nuit, grâce à des jeux de lumières et des formes différentes des bâtiments classiques.

Vue extérieure de Luminarium.

Vue intérieure de Luminarium.
Pièce principale à l'intérieure de Luminarium.
Ces structures ont pour but de livrer au public, le pouvoir des couleurs et des lumières, à travers un univers inconnu et totalement décalé. On y retrouve des personnes allongées, qui se relaxent, se reposent, lisent un livre... Les spectateurs se livrent au jeu de l'interaction, mais surtout à une expérience sensorielle, et sont en immersion complète dans ce monde où règne le calme, l'apaisement, le rêve.


Un autre artiste aura exploité le processus d'art cybernétique, le sculpteur québécois, Maurice DEMERS.
Il crée Futuribilia, une sculpture déployée, qui s'agrandit et devient par la suite, architecture éphémère, voire urbanité.

Futuribilia, M. DEMERS - 1968
Ici, c'est l'être humain qui fait l'oeuvre, ce qui rend la sculpture active, elle en devient "vivante". L'homme effectue des expérimentations en continue pour interagir et faire vivre le dispositif, qui est d'ailleurs, la première cyberplanète à l'échelle mondiale.

L'art cinétique et cybernétique trouve aussi ses origines depuis le mouvement futuriste apparue au début du XXe siècle, avec notamment des artistes reconnus aujourd'hui comme Marcel Duchamp, Alexander Calder, et ceux du contemporain comme Marina Abramovic, Jean-Robert Sedano ou encore Solveig De Ory.

Steve ABODO ALINGA (2012-2013)















18 novembre 2012

Kawaguchi (Yoichiro), Flora, 1989

Image extraite de la video de Flora

Lien Video vers Flora:
          


L'Art de l'Informatique, Numérique, ou bien encore Digital est apparu vers les années 50.
Dans cette pratique, l'artiste devient complice de la machine. Il se retrouve lié à elle car elle devient son outil de travail pour lui permettre de réaliser ses oeuvres. En même temps, il devient dépendant de ce matériel sophistiqué dont il n'est en général pas le concepteur.
L'image peut être ainsi construite par des calculs informatiques et mathématiques ce qui va être l'objet du travail de notre artiste, Yoichiro Kawaguchi.

          Yoichiro Kawaguchi est un artiste contemporain Japonais né en 1952. Il est diplômé du Kyushu Institute of Design, il a obtenu une Maîtrise d'Art à l'Université de Tokyo. Il a été professeur en infographie au Nippon Institute of Advanced Educatorial Media dans la même ville.
Par la suite, c'est dans les années 80 que l'artiste Japonais a vraiment su s'intégrer dans le monde de l'Art.
Dans ses pratiques, l'artiste a été réalisateur de nombreux films en image de synthèse qui ont obtenu le Grand Prix Création à Parigraph en 1987. Il a obtenu le Premier Prix à Images du Futur à Montréal la même année. Entre 1982-1989, il a obtenu plusieurs prix au Sérigraph. En 1986, il a participé à la Biennale de Venise, il est également connu à Barcelone, Sydney, Sao Paulo... En bref, c'est un artiste mondialement connu, qui, grâce à l'ensemble de son travail de recherche sur les technologies informatiques ainsi que toute sa carrière où il a été reconnu comme pionnier dans cet art, a reçu, en 2010, le Distinguished Artist Award for Lifetime Achievement de l'ACM SIGGRAPH.
          "Quelles qu'elles soient, les lois imposées à l'ordinateur deviennent souveraines et régissent à la fois l'apparence et l'évolution dynamique de l'univers simulé. L'artiste a enfin l'ultime possibilité de créer une situation et de l'abandonner avec son support vital qu'est l'ordinateur."
Joseph Deken, dans son livre Les images du Futur.

Les réalisations de Yoichiro Kawaguchi s'inspirent de cette pensée.
           A l'aide d'un outil informatique appelé Computer Graphics avec lequel il travail depuis 1975, il use d'un style unique qu'il a lui même appelé "GROWTH MODEL".
Ses réalisations consistent à créer et développer des formes de vie complexes par l'emploie d'algorithmes.
Il crée des images de rêve où se confondent l'art, les mathématiques les sciences et la biologie. Avec l'idée de pouvoir découvrir d'autres planètes, il crée des images de synthèse, sortes de projections fantasmatiques de créatures étranges.
Yoichiro Kawaguchi a avoué avoir "toujours été intéressé par la beauté des mathématiques".
          Dans son processus de création, on retrouve des formes de vie biologique. A travers des flots de fluides, de liquides colorés, de mouvements interminables, de formes qui changent, se métamorphosent, en perpétuelle évolution, on arrive à distinguer des formes de vie marine, des créatures inspirées du monde sous marin comme des méduses aux formes tentaculaires, des coquillages ... qui ont été ses principaux sujets d'inspiration. Ces formes, ces "créatures" se transforment dans une sorte d'arborescence, une "floraison" rapide qui parait sans fin.
Dans ces remous entre rêve, imaginaire et réalité, l'existant, le réel se retrouve transformé en formes hybrides et chimériques. Ces images dynamiques nous montrent une exécution riche en couleurs saturées, en formes évolutives, ondulatoires et mouvantes.
          Les images de l'artiste font appel à notre sens de la vision. Grâce à celui-ci, il cherche à nous émerveiller, nous transporter, nous emmener dans d'autres mondes, nous faire partager ses rêves.
Ses créations nous aspirent à une certaine magie, une féérie de l'image de synthèse auxquelles contribuent les formes et les couleurs qui varient et changent continuellement. Nous sommes ici face à la recherche de la création d'une nouvelle beauté, une beauté imaginaire.
Comment créer un sentiment de plaisir visuel, un sentiment de beau et en même temps de bien-être passant par l'image. En effet, ces images peuvent créer chez le spectateur un sentiment de bien être, de plénitude.
Il y a ainsi une attraction, une immersion du spectateur dans ces images, dans ces paysages extraordinaires. Celui-ci se retrouve envahi, subjugué, transporté ailleurs, comme piégé dans cette magie de l'image mouvante et entrainante. Ceci est provoqué par l'éveil du sens visuel. On se perd dans l'image, on est comme hypnotisé par cette mouvance colorée renforcée par la forte présence de la profondeur de ces "paysages extraordinaires".
Plus qu'hypnotisé, le spectateur se retrouve presque déstabilisé par les mouvements successifs de ce qui est représenté et de l'image elle même. Ce double mouvement est perturbant.

          En conclusion, Yoichiro Kawaguchi s'est basé sur des principes esthétiques de création où apparaissent trois grandes valeurs fondamentales: les formes, les couleurs et le mouvement.
Cet artiste contemporain a finalement réussi à créer une forme de vie, un mélange, une osmose visuelle entre l'art, la science, la biologie et l'informatique pour nous faire partager un rêve que l'on pourrait qualifier d'universel.


MESSAOUDI Médéric (2012-2013)

15 novembre 2012

Rousseau (Samuel), Le Géant, 2003


                    
   vidéo: Samuel Rousseau, "le géant", 2003
                             http://rousseau.aeroplastics.net/artwork.php?title=geant


        Samuel Rousseau est né à Marseille en 1971. Il vit et travail à Grenoble. Il fut nommé au Prix Marcel Duchamp 2011 avec sa vidéo projection : « Brave Old New World ». Samuel Rousseau est un plasticien. Ses œuvres relèvent autant de la sculpture, de la vidéo et de l'installation. Samuel Rouseau travaille avec la vidéo numérique depuis les années 1990. À travers celles-ci, il pose la question : qu'est-ce que créer des images dans un monde saturé d'images ? Comment, à travers ces travaux Samuel Rouseau rend compte de la condition humaine ? Comment confronte-t-il la place de l'individu dans la société aux normes sociales ? L'artiste intègre le réel dans le virtuel tout d'abord, puis le discours prend part dans la simplicité de l'image.

        L'artiste fait cohabiter l'image réelle avec l'image virtuelle. « Le Géant » est une projection vidéo sur le théâtre de la Gaité Lyrique. Celle-ci montre un homme nu, d'une cinquantaine d'années, prisonnié d’une façade de pierre et de verre. Sur les 110 m2 du théâtre de la Gaîté-Lyrique, il se dégage une sensation d’enfermement; qui est l'une de ces principales problématiques. L'artiste habille un bâtiment avec sa vidéo. Il confronte vidéo et architecture. Shaw et Lozano-Hemmer travaillent l'un et l'autre sur la relation entre architecture physique et architecture virtuelle. Lozano-Hemmer enrihit des bâtiments et des sites par l'ajout d'éléments audiovisuels dans « Displaced Emperors » (1997).
A l’origine du projet, Samuel Rousseau crée « P’tit bonhomme » (3'01), une projection vidéo d’un personnage essayant de monter une marche d’escalier. « Pti bonhomme » est une œuvre qui relève de la simplicité par son dispositif : la projection sur la première marche d'un escalier. En boucle la vidéo excède le caractère répétitif. L'utilisation des boucles est présente aussi pour perdre le spectateur dans ses rapports au temps.

Il modifie les images donc invente des images, ici il y a une transformation du réel, tel le rapport d'échelle. Il met en relation le corps et l'image. L'artiste espagnol Daniel Canogar avec les séries « Horror Vacui » dont les mains entrelacées évoquent à la fois le démembrement et la création d'un autre entité organique et l'enfermement de toutes ces identités. Dans sa vidéo, Samuel Rousseau ne laisse apparaître que quelque morceaux du corps à travers les vitres. Le thème de la fragmentation du corps se retrouve dans le travail de nombreux artistes tels Armand ou encore Rodin avec ses sculptures. Son travail fait références aux mythologies avec le personnage géant : Atlas, à Lewiss Caroll avec « Alice au pays des merveilles » qui rend compte de l'imaginaire. Qu'est-ce qui se passerait si je faisais 40m de haut ? Son travail fait référence à l'usure du corps du psychisme et des but qu'on s'est donné ds la vie.

        Il fait passer un message, et le public va réinventer une autre interprétation par derrière celui-ci. Dans le « Géant », le corps est là, coincé dans l’architecture, victime de sa proportion. Il cherche une issue à sa condition et nous ramène à la notre. Samuel Rousseau explique: « Avec mon géant, je parle d’une société oppressante qui tente de formater corps et esprits en nous transformant tous en Ken et Barbie. ». Dans l'installation « Liquid Views » de Monika Fleischmann, Wolfang Strauss et Christian-A.Bohn (1992-93), les spectateurs sont confrontés à un reflet d'eux mêmes. Le spectateur voit son reflet dans une sorte de bassin virtuel produisant des vagues qui déforment l'image. Ainsi le spectateur par son reflet, peut-se poser la question de sa présence, de sa place dans la société, de sa condition humaine.

Il utilise la simplicité dans ses images et leurs narrations, malgré la complexité technique. À l'inverse Toni Dove, dans « Artificial Changelings » fait en sorte que le spectateur contrôle le récit. À l'intérieur de chacune des zones, les mouvements du spectateur entraîne des changements dans la vidéo et le son, par exemple, en se positionnant sur la zone la plus proche de l'écran, il se retrouve dans la tête de l'un des personnages; dans la zone suivante, il fait surgir un personnage qui s'adresse directement à lui.

Pour Samuel Rousseau, l'image n'est pas considéré comme une capture du temps, une action suspendue, ou un effet de lumière. C'est une projection du spectateur et c'est l'interaction entre le spectateur et l'image qui est importante. Pour raconter, créer, Samuel Rousseau part de l'observation du quotidien, du réel. La vidéo est comme un langage. Avec la vidéo, le réel est comme doublé. De plus, l'artiste met en rapport deux espaces: celui de la vidéo et celui où celle-ci est projetée. L'artiste travail avec les objets du quotidien, il en extrait leur fonctionnalité. Il dit : « ce qui m’intéresse c'est « l'ignoble », soit le non-noble, le rebut. « Jardin nomades » (19'25) est une vidéoprojection sur un tapis fabriqué par des nomades. Des petits personnages s'y promènent dessus ; il représentent un gros groupe d'investissement américain. Ils se rencontrent pour des contrats professionnels ; c'est comme une forme de nomadisme. Il enferment ces personnages dans des objets.

        Samuel Rousseau est un artiste qui travail l'image sous forme de poésie. Il produit de l'imaginaire, et surtout crée un rapport fort avec le public.